Une résidence en résidence
Dans cette exposition l’ambition est de présenter les travaux réalisés au cours des printemps 2015 et 2016 par les onze artistes invités et de restituer l’esprit des Ateliers des Arques. *
L’exercice à priori difficile a été rendu possible parce que les artistes avaient d’entrée de jeu travaillé à la fois dans l’espace public et dans les espaces intérieurs.
Les films documentaires réalisés à l’occasion des deux éditions par Paul Bourdoncle puis Pierre Aragon, sont présentés en introduction à l’exposition.
David Coste avait recouvert aux Arques le mur pignon de l’atelier de Zadkine d’une bâche imprimée de la photographie agrandie du mur. Il la réutilise ici pour en faire les murs d’une grotte (thème récurrent dans son travail). L’installation est complétée de cinq dessins réalisés au cours de sa résidence, mixant des images de deux films d’aventure, avec des détails de constructions ou de paysages relevés aux Arques et alentours.
La sculpture de Julia Cottin consistait en une sorte de moucharabié filtrant le paysage en bordure du village, formé par l’empilement de moulages d’éléments décoratif empruntés aux maisons et à l’église. Elle réarticule ici ces formes modulaires en trois combinaisons qu’elle dispose dans l’espace de l’exposition.
En contrepoint des panneaux miroirs sombres qu’il avait planté en extérieur pour refléter en fonction de la lumière du soleil, un paysage de bordures, Eric Hurtado a ausculté, muni de son appareil photo, cette même limite indécise entre l’espace bâti et l’espace nature entourant le village des Arques. Il résume cet arpentage en douze photographies, nombre symbolique de son cheminement.
Niek Van de Steeg présente les dessins préparatoires de la tour signal ou tour des vents qu’il avait construite à l’un des accès du village, ainsi que d’autres tableaux restituant les travaux d’enquête et de recensement menés pendant la résidence, sur les ressources du pays et sur quelques uns de ses acteurs.
Laurent Kropf a vécu son séjour en touriste un peu ethnologue, au moins en esprit curieux. Il en a résulté des peintures et des objets qui sont comme autant de notations d’émotions ou de réminiscences, à la manière d’un voyageur qui collectionne des cartes postales pour conserver le souvenir d’un lieu dans la durée. Ceux qu’il rassemble ici constituent la quasi totalité de l’installation présentée aux Arques.
Séverine Hubard a été fascinée, dès la première nuit passée aux Arques, par la beauté et l’ampleur de la voute étoilée. De cette impression renouvelée, sont nées les « Komets » dont elle a ponctué l’espace public et qui ponctuent ici l’espace d’exposition. Comme aux Arques, une constellation de diodes piquées sur des pelouses en bordure de Meymac s’allumeront à la tombée de la nuit.
Mathias Tujague réanime, comme le ferait un archéologue, sur une table de présentation dont le plateau traité en faux marbre rappelle l’estrade qu’il avait dressé sur la place devant la mairie des Arques, des débris de son installation et les concrétions colorées qui l’accompagnaient pour former une allégorie du pouvoir et de sa fragilité. Deux travaux plus récents complètent cette proposition.
Jérémy Laffon réinstalle dans l’espace d’exposition son tronc d’arbre à chewing gum et ce qu’il appelle une « décharge propre ». Un assemblage ordonné de rebuts métalliques sablés, qu’il a collectés dans les décharges sauvages autour des Arques. Geste ironique d’un retour pédagogique au pollueur, du polluant dépollué.
Sa vidéo et celle de Julien Crépieux, mettant toutes les deux à contribution la population locale, complètent en esprit et dans sa spatialité la restitution de cette résidence. La première (celle de Jérémy Laffon), réalisée en 2016, est le film d’un match de foot (qui tient presque autant de la soule) ludique et parodique, disputé dans un bois, au milieu des arbres, entre quelques-uns des artistes et des gens des Arques d’un côté et de l’autre une équipe locale. La seconde (celle de Julien Crépieux) tournée lors de la cession de 2015, dans une prairie, à la tombée du jour, fait référence au feu de la Saint Jean, héritier des rites agraires et du culte solaire.
Quant aux deux peintres, l’un Mathieu Cherkit présente ici l’escalier à vis du presbytère et ouvre une fenêtre sur les Arques d’aujourd’hui, l’autre Giulia Andreani, travaille sur Valentine Prax, compagne de Zadkine et artiste elle-même. Elle aborde la période occultée des maquis et de la résistance et ré-ouvre les volets clos sur le monde d’avant et les pans des mémoires individuelles ou collectives, dissimulées.
* texte extrait du journal de l'exposition.